10 manières d’analyser des comportements en groupe sans désigner un coupable

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J’entends fréquemment dire : « Comment a-t-il pu réagir comme ça ? » ou « Cette femme est vraiment hypocrite » ou encore « Cette entreprise se sert de nous » … Ces phrases qui sont peut-être justes, ont en commun qu’elles rejettent la faute d’un problème sur les autres et présentent peu d’espoir que la situation évolue un jour. Toutefois, la vie en communauté n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Découvrons ensemble dix principes qui remettent en question la totale indépendance que nous avons les uns par rapport aux autres.

1)    Le principe de circularité

Dans les théories de la communication, le principe de la circularité met en avant que toute communication, verbale ou non, n’est pas linéaire (je communique et l’autre reçoit ou l’autre communique et je reçois). Au contraire, la communication s’inscrirait dans un principe de circularité (je communique, l’autre reçoit et me communique en retour). Cette communication que l’autre me renvoie, également appelé feedback, me permet d’ajuster mon comportement. Il en résulte que ce qui se passe dans mon environnement influence mes réactions et que mes réactions peuvent modifier ce qu’il se passe autour de moi.

2)    La normalisation

La psychologie sociale a mis en évidence des phénomènes de normalisation. La norme permet dans un groupe de définir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Suivre la norme, c’est pouvoir se faire accepter. A partir du moment où il est constitué, tout groupe développe un ensemble de normes, certaines sont explicites (ex : contrat de travail, charte d’entreprise), d’autres sont implicites (ex : ne travaille pas trop vite ou il faut arriver 15 minutes avant l’heure ou 15 minutes en retard…). Ces normes vont influencer les choix et les comportements de tous les membres d’une équipe. Aller à l’encontre de ces normes, c’est risqué d’être mal vu ou rejeté.

Nous grandissons dans une société, un environnement spécifique. Ainsi, dire bonjour sera une nécessité pour certains, une absurdité pour d’autres. Les questions influencées par ces phénomènes sont nombreuses : comment faut-il manger ? A quelle heure doit-on se rendre à un rendez-vous ? Comment parler avec un responsable, un ami, un parent… ? Doit-on se serrer la main, s’incliner, se faire un bisou ou simplement se tenir à distance pour se saluer ? De ces normes peuvent surgir de nombreux malentendus.

3)    Les mécanismes d’influence

L’expérience de Milgram montre que face à une figure d’autorité, l’être humain a tendance à suivre les directives même s’il n’aurait pas réagi comme ça s’il avait été seul. En plus de l’obéissance à l’autorité, il existe d’autres influences comme l’influence majoritaire (changer son comportement pour faire comme le plus grand nombre) ou encore l’influence minoritaire (lorsqu’un petit groupe demeure unanime et constant dans son approche, il peut modifier les réponses des autres).

4)    La catégorisation, les stéréotypes, les préjugés

Même si nous nous dressons souvent pour dire que le racisme, l’âgisme, le sexisme sont des attitudes inacceptables, les études scientifiques ont montré que dès l’enfance nous sommes influencés par les stéréotypes et que nous adaptons nos comportements en fonction. Ce phénomène s’explique par le besoin pour l’être humain de donner du sens à son environnement et de pouvoir y réagir très vite. Il catégorise, classe donc ce qu’il rencontre et les réactions à avoir : « cet homme est dangereux, il faut s’en éloigner » ; « cette petite fille est innocente, il faut l’aider » … En quelques secondes, nous nous faisons une impression sur l’autre et ce, avant même d’avoir échanger le moindre mot.

5)    L’histoire d’un groupe

Je suis toujours frappée de la manière dont les comportements des membres d’un groupe prennent un tout autre sens quand on s’intéresse à l’histoire de ce groupe. Quelle a été sa raison d’être ? Comment s’est-il créé ? Quelles valeurs ont été à la base de ce groupe ? Quels changements ont jalonné le vécu du groupe ? Qui est parti ? Qui est arrivé ? Les mots et les comportements utilisés peuvent faire référence à ce passé. Il est à noter que les membres n’ont pas besoin d’être conscients de cette histoire pour y faire référence.

6)   Les rôles et l’attente de rôles

Dans un groupe nous adoptons des rôles : celui qui sait, celui qui rigole, celui qui dirige, celui qui proteste… Les comportements que nous sommes amenés à prendre seront en congruence avec les rôles que nous prenons. Toutefois, le rôle adopté ne définit pas l’intégralité de l’individu. Il suffit de constater qu’une même personne peut changer de rôle lorsqu’elle change de groupe ou que dans un groupe une personne peut être remplacée par une autre alors que le rôle demeure comme s’il se transmettait de personne à personne. Enfin, dans des groupes qui fonctionnent ensemble depuis longtemps, les membres du groupe s’attendent à ce que chacun adopte certains rôles. Il est alors fréquent d’entendre des phrases comme « Bernard, tu n’as encore rien critiqué, ça ne va pas ? »; « Vas-y Christine ! On t’attend pour détendre l’atmosphère. »; « Tiens. Tu es à l’heure aujourd’hui ? Ce n’est pas normal »….

7)    Les comportements d’auto-sabotage

Selon le modèle du Job-Demand Ressource, lorsque nous sommes stressés, fatigués, nous mettons en place des comportements qui sont contre-productifs : procrastination, agressivité, passivité, tout faire tout seul, critiquer les autres, ne jamais être content de ses réussites, se sentir obliger de tout accepter, baisser les bras… Il est alors fréquent d’entendre : celui-là n’est jamais content ou il court tout le temps, ou il ne fait jamais rien. Cette vision des comportements d’auto-sabotage me semble importante pour recadrer ces phrases. Nous pouvons tous être stressés, fatigués (ex : maladie, difficultés financières, conflit, charge de travail…). Nous pouvons donc tous devenir exécrables pour notre entourage. Comprendre que quelqu’un qui critique ou qui est agressif est en général sous stress me semble être une bonne approche car il ne s’agira plus de critiquer son agressivité mais de comprendre ce qui dans sa vie l’amène à avoir ces comportements.

8)    L’inconscient collectif

Les chercheurs psychanalystes qui se sont intéressés au groupe (comme Anzieu ou Bion) ont mis en évidence que les comportements qui apparaissent dans un groupe peuvent être expliqués soit parce qu’ils permettent de réaliser la tâche ou l’objectif du groupe ; soit parce qu’ils mettent en avant une dimension inconsciente du groupe : angoisse, symbole, transferts et contre-transferts… Cette partie inconsciente me semble importante pour comprendre des comportements qui n’auraient à priori pas de sens.

9)    La maturité d’un groupe

Le cycle de l’autonomie montre qu’à chaque changement, le groupe traverse différentes étapes dans sa maturité. Les membres d’un groupe auront alors des comportements et des besoins différents. Repérer ces étapes permet donc d’adapter son comportement pour aider au mieux le groupe à évoluer. Par exemple au début d’un groupe, les membres auront besoin qu’on leur dise ce qu’il faut faire. Ce besoin diminuera lorsque le groupe évoluera.

10) L’interprétation

Un des accords toltèques dit « Ne fais pas de suppositions mais si tu en fais, fais-en plusieurs ». Nous percevons la réalité à travers un prisme qui nous est propre. Par exemple, il ne m’a pas dit bonjour, c’est probablement parce qu’il m’ignore. Toutefois, à un même comportement, on peut attribuer une série d’interprétations différentes. Par exemple, il ne m’a peut-être pas vu ; il était peut-être muet ; il était peut-être préoccupé par autre chose ; il venait peut-être de recevoir une mauvaise nouvelle ; il n’est peut-être pas nécessaire pour lui de dire bonjour… Dans les entreprises, les interprétations que nous faisons pour expliquer les comportements des autres peuvent être nombreuses et peuvent prendre de l’ampleur jusqu’au moment où deux personnes peuvent interpréter un même évènement de manière diamétralement opposée.

En conclusion, face à un comportement inacceptable dans une entreprise, il est possible de dire : « c’est de sa faute ». Toutefois, il est également possible de dire « qu’est-ce qui dans l’environnement a pu influencer ce comportement, au niveau des interactions, des groupes, de l’organisation ou encore de la société ? » ; « Qu’est-ce que ce comportement nous apprend de notre groupe, de ses normes, son histoire, ses influences, sa maturité, ses processus inconscients ? » ; « Quelles sont les autres interprétations que je peux avoir face à un comportements ? » ou encore « En quoi est-ce que ce comportement m’indique une souffrance chez mon interlocuteur ? ».

Octobre 2022
Magali Jemine
Psychologue du travail, coach, formatrice, art-thérapeute, dynamicienne de groupe
Responsable de Sens et Company

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