
Face à un désaccord, il est parfois difficile de savoir comment réagir. La tentation est alors grande de laisser le conflit en l’état. Les collaborateurs sont adultes. Ils doivent pouvoir s’en sortir. Ainsi, laisser pourrir le conflit est une solution qui parait avantageuse sur le moment… Toutefois, comme son nom l’indique, laisser pourrir peut entrainer une amplification du conflit et quelque chose qui semblait anodin jusque-là s’agrandit et paralyse l’organisation.
Pour vous aider à comprendre les conséquences d’un conflit qui a le temps de maturer, voici quelques manifestations des conflits importants :
- Changement des groupes d’appartenance et des réseaux de communication
Dans un premier temps on constate un isolement des travailleurs et des groupes. Les relations au sein de l’entreprise ne se font plus naturellement. Il en résulte que certains travailleurs sont fortement isolés, que les communications sont difficiles (malgré tous les efforts réalisés pour les améliorer). Parallèlement à cet isolement, de nouvelles relations, interactions sont créés en fonction des prises de parti dans le conflit. Ces deux phénomènes créent une situation spécifique en facilitant d’une part un sentiment d’appartenance important entre les individus qui sont d’accord (relations très proches et très positives) et en bloquant d’autre part complétement les contacts entre les individus qui partagent des avis différents (absence de relations). Ils se forment ainsi au sein d’une même entreprise, des camps. Plus le conflit dure et plus les différents camps recherchent des alliées. Les personnes neutres sont dès lors de plus en plus difficiles à trouver. Le conflit devient ainsi le centre de toute l’attention. Bien faire son travail, se lier d’amitié, demeurer éthique semblent passer au second plan. - Immobilisation du système et difficulté d’apporter un changement
Plus les conflits durent et plus désamorcer les désaccords semblent difficiles. Comment trouver un terrain d’entente après des années de conflits ? Plus le problème est discuté, plus les différents groupes sélectionnent et se remémorent les évènements qui appuient leurs interprétations respectives. On peut dès lors se retrouver avec des groupes qui partagent des histoires diamétralement opposées. D’un autre côté, bien que tous les acteurs manifestent le désir ardent de participer à la résolution de conflit, il est fréquent de constater des blocages dès qu’une procédure de résolution est mise en place. - Augmentation de la violence
On parle également d’escalade du conflit pour dire qu’avec le temps, le rapport entre ce qui est juste, ce qui est normal semble diminuer, laissant place à une violence plus importantes (humiliation, dégradation, agression verbale). Ainsi, des situations proches du harcèlement ou encore du bouc-émissaire peuvent apparaître au sein de l’entreprise. Les plaintes et les démarches légales peuvent dès lors être entamés par les travailleurs comme tentative pour se protéger d’un climat qui devient menaçant. Vu l’ambiance, les communications se font par intermédiaire (un chef, un collègue ou encore un mail, un courrier) comme pour prendre à témoin d’autres interlocuteurs. - Interprétation et attribution d’intention hostile
Plus la situation perdure, plus les acteurs sont convaincus que l’autre est un « ennemi », un être à écraser à tout prix. Comment dès lors s’étonner qu’il essaie de tendre un piège ? Chaque action des autres est ainsi analysée pour chercher la raison, la stratégie utilisée ou encore le sens caché. En effet, à ce stade, les autres tentent forcément de nuire. Tout comportement sera décodé à la lumière du conflit présent. La confiance et toutes les compétences qui en découlent (créativité, proactivité, prise d’initiatives, cohésion d’équipe, autonomie, évolution…) diminuent fortement pour finalement disparaître de l’entreprise. - Souffrance émotionnelle et empiètement sur la vie privée
Les travailleurs confrontés à ce type de climat vont ressentir une grande souffrance émotionnelle ; que ce soit de la colère devant l’injustice présente dans l’environnement professionnel ; de la tristesse devant la perte de relations entre collègues ; de l’angoisse à l’idée de ce qui pourrait arriver ; ou encore de l’impuissance face à un système qui refuse de changer malgré tous les efforts. Cette souffrance peut faciliter les problèmes de santé, l’épuisement, la démotivation, la perte de sens ou encore la dépression.
En conclusion, lorsque vous laissez « pourrir » un conflit sous prétexte que vous manquez de temps, que vous n’avez pas les compétences, assurez-vous que le conflit disparaît bien tout seul car un conflit qui demeure peut entrainer une diminution de la performance, de la communication, de l’éthique, de l’autonomie, de la prise d’initiatives, de la cohésion d’équipe, de la créativité, de la proactivité, de la motivation et une augmentation des tensions, de la crainte, de la colère, des divergences d’opinions, du turnover ou encore de l’absentéisme… En outre, plus un conflit dure dans le temps, plus pour le résoudre, il faut être prêt à y consacrer du temps et des moyens.
Magali Jemine,
Sens et Company
Décembre 2022